mardi, 23 février 2010
19/1/88
il existe, quelque part dans l'univers, non pas une planète, non pas une étoile, mais une toute petite pièce, comme une chambre, une chambre dans une espèce de bordel / il n'y a rien, dans cette petite pièce, aucun objet, aucun meuble, rien que des êtres indéterminés & inachevés, qui sont comme des putains, dociles, disponibles, endormies, des êtres qui sont des chiennes de vie, des êtres en puissance, qui attendent que quelqu'un rêve à eux pour qu'ils s'éveillent, que quelqu'un les sonne pour qu'ils descendent travailler / si on rêve assez fort à eux, au point par exemple de sentir son ventre se mettre à enfler, alors ils s'éveillent, en effet, ils montent à bord d'une petite capsule spatiale & ils s'acheminent tout doucement vers la personne qui les a appelés / parfois le rêve se refuse & se referme comme les mâchoires d'un piège & le petit astronaute privé d'oxygène se trouve éliminé en cours de route / la cabine pressurisée du rêve a explosé & avec elle le voyageur espéré / alors on dit « avortement », on dit « fausse couche », on dit aussi parfois « stérilité » ou « infertilité », on dit toutes sortes de choses, mais en réalité on ne sait pas bien de quoi on parle, comme c'est assez souvent le cas dans la vie
18:03 Publié dans 2 : : : Deuxième partie : Quatre-vingt | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, littérature québécoise, écriture, poésie, serge viau, québec
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